En France, la rupture conventionnelle permet à un salarié de quitter son poste d’un commun accord avec son employeur, tout en conservant certains droits, comme l’accès au chômage. Mais en Espagne, existe-t-il un mécanisme similaire ? À travers le témoignage de Maya, expatriée à Barcelone, cet article compare les deux systèmes pour mieux comprendre ce qu’implique une séparation à l’amiable dans chacun des pays."Je m’appelle Maya, j’ai 35 ans et je travaille depuis deux ans en tant que réceptionniste à l’Hôtel Azul, un établissement situé à Barcelone. Avant de m’installer en Espagne, j’ai passé sept ans à travailler en France, où j’ai découvert un mode de rupture du contrat de travail qui m’a semblé à la fois juste et sécurisé : la rupture conventionnelle.
Depuis plusieurs mois, je ressens un certain malaise dans mon emploi actuel. Sans conflit majeur avec mon employeur, je constate simplement que je ne suis plus épanouie dans mes fonctions. Cette perte de motivation a eu des répercussions sur la qualité de mon travail, et je pense qu’il est temps pour moi, et pour l’entreprise, de tourner la page.
En France, la rupture conventionnelle m’aurait permis de quitter mon poste d’un commun accord avec mon employeur, tout en bénéficiant d’une indemnité et de droits au chômage. Mais qu’en est-il en Espagne? Existe-t-il un mécanisme similaire? Dans cet article, je vais comparer la rupture conventionnelle en France et la situation en Espagne, afin d’éclairer ceux qui, comme moi, souhaitent partir en bons termes… mais sans renoncer à leurs droits."
Rédigé par Natalia Pullen
Juriste stagiaire
La rupture conventionnelle en France:
La rupture conventionnelle est un mode particulier de rupture du contrat de travail à durée indéterminée (CDI). Elle permet à l’employeur et au salarié de mettre fin à la relation de travail par un commun accord, en dehors des procédures classiques de démission ou de licenciement. Cette rupture repose sur un principe fondamental : la liberté et la volonté des deux parties.
Elle est encadrée par les articles L.1237-11 à L.1237-16 du Code du travail. Ces articles précisent les conditions et la procédure à respecter pour que la rupture soit valable.
La procédure de rupture conventionnelle se déroule en plusieurs étapes :
- Entretiens préalables: Employeur et salarié se rencontrent pour définir les conditions de la rupture, notamment la date de fin de contrat et le montant de l’indemnité spécifique (qui ne peut être inférieure à l’indemnité légale de licenciement). Le salarié peut être assisté lors de ces entretiens.
- Signature de la convention: Une fois que les conditions soient définies, une convention de rupture est signée. Cette convention précise les modalités de la rupture.
- Droit de rétractation: Les deux parties disposent d’un délai de 15 jours calendaires (qui commence le lendemain de la signature) pour se rétracter librement.
- Homologation de la convention: En l’absence de rétractation, la convention est adressée à la Direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDETSPP). Celle-ci dispose de 15 jours ouvrables pour se prononcer :
- Si elle ne répond pas dans ce délai, la convention est homologuée automatiquement.
- Si le salarié est protégé, la demande d’homologation est adressée à l’inspecteur du travail qui a 2 mois pour répondre. L’absence de réponse, dans ce cas de, vaut refus.
Pendant toute la durée de la procédure, le salarié continue de travailler normalement.
Indemnités et documents de fin de contrat
- L’indemnité de rupture ne peut pas être inférieure à l’indemnité légale de licenciement. Elle dépend de l’ancienneté du salarié et de sa rémunération. (1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans. 1/3 de mois de salaire par année d'ancienneté après 10 ans.)
- L’employeur doit également remettre au salarié un certificat de travail, une attestation France Travail et un reçu pour solde de tout compte.
- Le salarié peut bénéficier de l’Allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE), sous réserve de remplir les conditions, notamment une durée minimale d’activité.
Possible contestation de rupture conventionnelle
La rupture conventionnelle peut être contestée devant le Conseil de prud’hommes dans un délai de 12 mois à compter de la date d’homologation ou de refus d’homologation. Elle peut être annulée si le consentement du salarié n’était pas libre.
La rupture conventionnelle est-elle donc possible en Espagne ?
En Espagne, il n’existe pas de mécanisme équivalent à la rupture conventionnelle telle que prévue en France. La rupture d’un commun accord entre salarié et employeur n’est pas encadrée par un dispositif spécifique comme la rupture conventionnelle. La législation espagnole encadre toutefois différentes façons de mettre fin au contrat de travail, mais sans mécanisme spécifique d’accord mutuel homologué par l’administration.
L’article 49 du Statut des travailleurs espagnols (Estatuto de los Trabajadores) énumère les causes de cessation des contrats de travail.
Il prévoit notamment :
- Article 49.1.a : la fin du contrat de travail « par accord mutuel entre les parties ». Bien que cette disposition puisse être interprétée par des employeurs et salariés français comme une rupture conventionnelle, il s’agit en réalité d’une démission volontaire du salarié, formalisée par un accord avec l’entreprise. Cette clause est rarement utilisée en pratique, car elle ne donne pas droit à l’ARE pour le salarié.
- Autres causes visées par l’article 49 : expiration du terme convenu pour les contrats à durée déterminée, démission unilatérale du salarié (baja voluntaria), licenciement disciplinaire, licenciement objectif (motif économique, technique, etc.), mise à la retraite, décès, incapacité, etc.
Ainsi, l’accord mutuel prévu par l’article 49.1.a n’est pas comparable à la rupture conventionnelle française. En Espagne, il est plutôt assimilé à une démission volontaire pactée avec l’entreprise, sans encadrement spécifique de l’administration du travail ni homologation par un tiers. En conséquence, le salarié n’a pas droit aux allocations chômage (prestaciones por desempleo del SEPE) s’il quitte volontairement l’entreprise par ce biais.
Pour toute question sur une forme de rupture « équivalente » ou pour un accompagnement sur le droit espagnol, il est conseillé de se rapprocher de professionnels spécialisés dans la matière, par exemple prendre contact avec ConesaLegal.